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Morale laïque : pour un enseignement laïque de la morale

Morale laïque : pour un enseignement laïque de la morale

Auteur(s) :
BERGOUNIOUX Alain, LOEFFEL Laurence, SCHWARTZ Rémy
FRANCE. Ministère de l’éducation nationale

La mission réunie à la demande de Monsieur Vincent PEILLON, ministre de l’éducation nationale, s’est vu confier la tâche de mener un état des lieux de l’instruction civique et morale dans les programmes scolaires, de l’école primaire au lycée, et de définir, pour tous les degrés d’enseignement, les contours de l’enseignement d’une morale laïque, entendue comme une morale commune contribuant à l’éducation au vivre ensemble et à la transmission des valeurs au fondement de la citoyenneté républicaine.

La réflexion de la mission a concerné tout le service public de l’éducation comprenant
les établissements publics et les établissements privés sous contrat. Le rapport qui en est issu est le fruit de lectures, d’expériences et de très nombreuses consultations et auditions . Outre les personnes auditionnées, les membres de la mission tiennent à remercier toutes celles et ceux qui ont manifesté leur intérêt pour l’enseignement
de la morale laïque à l’École, notamment à travers le site dédié, où ont été déposées des contributions riches et variées.

Ils tiennent à remercier également la direction générale de l’enseignement scolaire, la
direction des relations européennes et internationales et de la coopération et l’inspection générale de l’éducation nationale sans lesquelles cette mission n’aurait pu être menée à bien.

Pour télécharger le rapport, cliquez ici

Introduction

Réfléchir aux contours de l’enseignement d’une morale laïque, de l’école primaire au lycée, à entendre comme une morale commune contribuant à l’éducation au vivre-ensemble et à la transmission des valeurs au fondement de la citoyenneté républicaine, est l’occasion d’engager la discussion sur des questions qui intéressent autant la société que l’École.
La morale est en effet en question, dans la société et dans l’univers scolaire, à travers
des inquiétudes ou des perplexités directement liées aux conditions de l’éducation familiale et scolaire. Pédagogues, philosophes, sociologues, psychologues, pédiatres se sont ainsi emparés de la question de l’autorité, des limites à poser à l’enfant, des modalités de l’obéissance, des repères nécessaires à son éducation et à son bien-être, des modalités des punitions et des sanctions, dans un contexte d’affaiblissement des normes traditionnelles du principe de la relation adulte-enfant et de pluralisation des valeurs de l’éducation.
Ce cadre permet de comprendre la forte demande de morale de la société et, tout particulièrement, des familles, adressée à l’École. Mais cette demande est aussi le fait des acteurs de l’éducation scolaire. Les travaux des ateliers menés dans le cadre de la concertation sur la « Refondation de l’École » font apparaître une nette orientation morale des propositions, sensible notamment dans les principes avancés de la « bienveillance », de l’« hospitalité » de l’école, d’une « école inclusive » en guerre contre toutes les discriminations, soucieuse du bien-être des élèves, touchant encore le besoin de formation éthique des enseignants. L’objectif de formation du citoyen et l’horizon de la réussite éducative se redéfinissent à l’aune de valeurs morales qu’il faut bien comprendre comme ayant vocation à donner une nouvelle inspiration à l’action éducative de la maternelle à la terminale. Ce constat s’inscrit en cohérence avec les travaux de la mission qui, au fil des auditions menées, a rencontré une quasi-unanimité en faveur d’un enseignement moral à l’École témoignant d’un fort consensus autour d’un besoin de morale.
Ouvrir le chantier intellectuel et pédagogique de l’enseignement de la morale à l’École
répond donc à une demande sociale et scolaire. Mais le projet s’inscrit aussi dans une tradition de l’École républicaine qu’il convient de rappeler et de souligner. À tous les degrés d’enseignement, dans le primaire comme dans le secondaire, l’École en effet a toujours eu pour mission d’instruire, d’éduquer et de socialiser. À la fin du XIXe siècle, la morale était au coeur et au principe de l’éducation scolaire, à un degré difficilement imaginable aujourd’hui : l’éducation morale laïque existait à l’école primaire, non seulement sous la forme d’un enseignement doté de contenus et d’un horaire propres, mais elle inspirait encore toutes les activités de la classe faisant de l’école un lieu « où la morale se respire encore plus qu’elle ne s’enseigne » . Dans le secondaire, l’éducation morale des enfants de familles plus aisées s’accomplissait dès le plus jeune âge à travers les humanités
classiques orientées à la formation des vertus de l’honnête homme. L’éducation morale n’était donc pas un enseignement parmi d’autres : dans le contexte culturel et politique de la période, elle a été inséparable de la question des valeurs civiques et de la question des valeurs laïques, indissociable de la discussion incessante au XIXe siècle portant sur les fondements de la citoyenneté démocratique et sur le rôle de l’École dans l’éducation du citoyen. Le projet n’a pas été sans contradictions, sans contradicteurs et sans zones d’ombre. C’est pourquoi il convient de ne pas idéaliser l’héritage de la IIIe République
Mais il convient aussi de ne pas perdre la mémoire et de ne pas oublier le lien intrinsèque et propre à l’École de la République entre éducation scolaire et idéal moral, politique et social. C’est ce lien même qui a conduit, dès l’origine, à la formulation d’inquiétudes et de critiques : crainte d’un endoctrinement, d’un catéchisme républicain, crainte d’une morale d’oppression ou de résignation plutôt que d’émancipation. Inquiétudes légitimes en ce qu’elles accompagnent nécessairement tout projet de formation morale de l’élève dans une société démocratique éprise de droits individuels, de respect de l’enfant et de justice.
Ces mêmes interrogations se sont exprimées dans le débat d’opinion rapidement né
de l’annonce ministérielle. Elles traduisent la nécessité de repenser les principes et les orientations d’un enseignement de la morale à l’École adapté aux besoins et aux exigences de la société du XXIe siècle.
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