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Les collectivités territoriales malades de la norme

C’est le constat que vient de faire le Sénat dénonçant "la maladie des normes" dans un rapport du même nom remis au Président de la République et au Premier Ministre le 15 février 2011 par Gérard Larcher.

En voici la présentation :

De la gestion de l’eau à la sécurité des bâtiments, des transports aux équipements sportifs, de la voirie à la restauration scolaire, la quasi-totalité des domaines d’intervention des collectivités territoriales sont aujourd’hui impactés par l’inflation normative.
Dans une société inquiète, voire angoissée, à la recherche du « zéro risque absolu », la norme a vite colonisé tous les secteurs de la sphère publique. Pour chaque question, pour chaque éventualité, pour chaque doute, la réponse est la même : légiférer ou règlementer. L’obligation ou l’interdiction, selon les cas, surgit, tel un réflexe conditionné ; elle s’impose dans son uniformité, sa rigidité et parfois son absurdité au responsable local, où qu’il soit et quelles que soient les circonstances locales.

La norme s’impose aussi dans ses excès à un citoyen qu’elle est pourtant censée servir et protéger. Au-delà de leurs effets (souvent astronomiques) sur le contribuable local, ce sont les organes vitaux de la démocratie que frappent les quelque 400 000 prescriptions techniques aujourd’hui applicables aux collectivités territoriales : le droit, ravagé dans sa crédibilité et son autorité ; la sécurité juridique, victime directe d’une frénésie textuelle devenue chronique ; et, surtout, l’élu local, fonctionnarisé, parfois infantilisé.

Sans tomber dans une « normophobie » qui serait tout aussi vide de sens que l’idolâtrie de la règle, la Délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation a estimé qu’il était grand temps de recentrer la norme sur sa raison d’être : le service d’intérêts publics. Sous la plume de son président, Claude BELOT, elle émet une vingtaine de propositions pour en finir avec une nouvelle forme de jacobinisme : le centralisme normatif, qui transforme l’élu en administrateur, substitue l’expertise technique à la légitimité des urnes et change la gestion par l’action en gestion par l’intendance.

Parmi les recommandations, on trouve :
 une responsabilisation de l’État, via l’obligation pour celui-ci de compenser les conséquences pour les finances locales des normes qu’il impose aux collectivités territoriales ;
 la mise en place d’un « correspondant normes » au sein de chaque préfecture et d’un dispositif encadré permettant à des instances placées sous la responsabilité des préfets d’adapter, au niveau local, des orientations définies par l’État au niveau national ;
 une meilleure prise en compte de la taille et de la situation des collectivités dans l’application des normes ;
 la substitution, lorsqu’il s’agit de préciser la portée d’une exigence légale directement applicable, de dispositifs indicatifs (circulaires…) à des dispositifs contraignants (décrets…) lesquels vont souvent au-delà du texte de loi. Dans certains domaines, la normalisation pourrait prendre une forme contractuelle, dans le respect de la loi et sur la base d’un texte le prévoyant expressément.
 un renforcement du champ d’intervention des missions, et donc des moyens, de la Commission consultative d’évaluation des normes.


Si comme nous le rappelle Lacordaire, entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit Montesquieu nous met en garde en affirmant que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.

C’est sous ce double regard que normes et lois doivent être élaborées sous peine de rendre malades d’indigestion ses assujettis.

La maladie de la norme
Rapport d’information de M. Claude BELOT, fait au nom de la Délégation aux collectivités territoriales
n° 317 (2010-2011) - 16 février 2011